Vitrail Tiffany, au plomb ou fusing : quelles différences ?

D'un vitrail en plomb, en Fusing, ou en Tiffany, les techniques d'assemblage et de création du vitrail sont multiples. Fruits d'un héritage technique de plusieurs millénaires, que nous cachent ces techniques ?

Que ce soit dans l’église devant laquelle vous passez chaque matin, cette décoration que vous voyez chez votre voisine ou ce cadeau que l’on vous a offert à Noël dernier : chaque vitrail, qu’importe la taille, a une technique qui lui est propre. Les vitraux des églises sont scellés dans le plomb, votre voisine a une superbe lampe Tiffany et les portes-couverts offerts par belle-maman ont été fondus pour avoir leur forme actuelle. Mais quelles différences ces techniques apportent-elles à l’assemblage final ?

Laissez-moi vous conter un peu l’histoire du vitrail, de ses prémices à aujourd’hui, pour mieux vous parler des procédés d’assemblage qui en sont nés.

De sa définition la plus simple, le vitrail est une technique d’assemblage de morceaux de verre colorés, qui naquit il y a 5 000 à 3 000 ans av J-C en Mésopotamie. Ce n’était alors que des petits objets en verre opaque. Il faudra attendre 1500 av J-C pour voir de premiers bijoux avec un verre translucide où passaient une lumière vive. Au fil des siècles, on parvint à perfectionner la technique. 

Les Égyptiens et les Romains excellaient dans la fabrique de petits objets en verre coloré. On trouve dans des musées comme le Louvre ou le British National Museum, des coupes, des vases ou des flacons de l’Antiquité en verre coloré. Au fil des siècles, le vitrail quitte les foyers pour se retrouver dans les églises chrétiennes. Aux alentours du IV et Vème siècle, on trouve alors des vitraux, n’excédant rarement qu’un mètre de hauteur, tenus par des cadres en bois. Nous en sommes alors qu’aux prémices du vitrail ! Et pour voir une grande évolution, il nous faudra attendre le Xème siècle en Europe occidentale.

 

Comme dirait Bruno Pelletier : il est venu le temps des cathédrales (et des vitraux par la même occasion) ! Le Moyen-âge est le point artistique culminant de la création de vitraux ! C’est alors une abondance de couleurs, d’immenses bâtiments se parent d’ornements lumineux, l’intérieur des cathédrales et des églises laissent passer une lumière vive, filtrée par les teintes de leurs verres brillants. Une seule méthode d’assemblage du verre dominait alors : le « plomb ». Un procédé encore moins dominant aujourd’hui suite à l’apparition de nouvelles méthodes comme le Fusing, le Tiffany, le Thermoformage, ou celui de la dalle de verre enchâssée dans le béton.

Commençons donc notre petit tour historique par la plus ancienne des méthodes … 

… Le Fusing

Méthode avec un nom moderne, de l’anglais « To fuse » qui signifie littéralement « Fondre », le Fusing est probablement LA méthode de travail du vitrail la plus ancienne ! Enfin, comme je l’ai dit plus haut, le Fusing était utilisé pour la création de petits objets en verre (vases, flacons, éléments de décoration). On faisait monter la température du verre pour pouvoir le rendre plus malléable. Une fois à la bonne température, il suffisait de le façonner. Autre méthode plus répandue encore, il suffisait de simplement découper les morceaux de verre, les disposer sur une plaque selon le motif désiré et de passer l’ensemble au four. Une fois à son point de fusion (à 820° Celsius précisément) les morceaux de verre fondent légèrement et s’imbriquent entre eux pour ne former qu’une pièce finale, pleinement assemblée ! C'est une technique que j'utilise beaucoup pour mes créations

Le Plomb

Méthode très propre à une utilisation religieuse, le Plomb est un procédé permettant de faire tenir les morceaux de verre entre eux, grâce à une/des baguette(s) de plomb. Les morceaux de verre sont tenus sur la baguette grâce à de l’étain chauffé, qui, une fois liquide se pose sur le plomb et le verre, et s’y attache une fois refroidi. Procédé roi au Moyen-âge, la lourdeur du vitrail réalisait en plomb lui assurait aussi une solidité sans égal, couplé à une très fort résistance à l’humidité. Tout ce qu’il fallait pour rester dans une église, face aux éléments extérieurs pendant plusieurs siècles (voir millénaire). 

Le Tiffany

Cette méthode, créée par le peintre-verrier américain Louis Comfort Tiffany, voit le jour à la fin du XIXème siècle. L’idée de l’Américain est d’abandonner la rigidité des vitraux tenus par le plomb et de rompre avec l’aspect religieux des vitraux pour se tourner vers une image plus contemporaine, plus abstraite. Cette technique consiste, après un polissage des pièces, à entourer la pièce de verre d’un fil de cuivre adhésif, dont on rabat les bords après la pose permettant une fixation entre les différents morceaux. Après que les morceaux soient assemblés, on y pose une légère couverture d’étain et le tour est joué ! Similaire dans l'aspect à un vitrail de plomb, c'est une technique j'utilise pour une grande partie de mes réalisations comme le Grand Coeur ou la Colombe.

Le Thermoformage

Moins utilisée en vitrail que les précédentes techniques, le thermoformage nécessite plus de moyen pour sa réalisation. L’idée est de poser une à plusieurs feuilles de verre froides sur une forme apyre (un moule résistant) dont le verre prendra la forme lors de la cuisson. C’est du Fusing, mais en plus complexe et sans besoin de monter aussi haut dans les températures ! Pour rappel le verre est à température de formage à partir de 540° et peut monter jusqu’à 650° ! En dessous de 500°, le verre n’est pas encore assez malléable pour être travaillé et à partir de 820° le verre est en fusion ! Petite anecdote : le thermoformage est énormément utilisé dans l’industrie. C’est avec ce procédé que l’on fait la plupart des pièces automobiles, des pots de yaourt en verre, des emballages, etc.

Technique de la dalle de verre et de béton

C’est au maître verrier français, Jean Gaudin que l’on doit cette technique. Inventée en 1927, la technique de la dalle de verre est semblable à celle du plomb (du moins dans la préparation). On prépare sa maquette, puis on découpe ses morceaux de verre, on les polit (ou on laisse la découpe brute pour donner un aspect déchiré). On dispose les pièces dans une armature de bois pour y couler la première couche de béton. On y ajoute son armature métallique pour ensuite venir y re couler une deuxième couche. 

Plus économique que les baguettes de plomb, la technique a largement été utilisée pour reconstruire les églises détruites par les 2 guerres mondiales. En plus de son coût économique, le béton permettait de faire tenir des morceaux de verre épais de 25mm, là où la plupart des vitraux ne dépassent jamais 10mm d’épaisseur. 

Cette technique peut se targuer d’être le malicieux mélange du pratique au magnifique, comme si un designer d’intérieur tombait en accord avec un maçon.

 

Même si le vitrail existe depuis maintenant des millénaires, de nouvelles techniques permettent néanmoins de pouvoir continuer à innover et à explorer de nouveaux horizons. Moins religieux et plus contemporain, il nous reste encore de belles facettes de ce monde à découvrir à travers le verre coloré.